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dimanche, avril 01, 2012

SOLIDAIRE, hebdo du Ptb+: interview de Jean-luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la présidentielle française...

SOLIDAIRE, hebdo du Ptb+: interview de Jean-luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la présidentielle française...
Jean-Luc Mélenchon :: « Une révolution démarre quand un système est à bout de souffle »
100 000 personnes ont symboliquement repris la Bastille à Paris, ce dimanche 18 mars, à l'appel du Front de Gauche (FdG) et de son candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon. Créditée de 11 %, sa candidature redonne des couleurs à la gauche. Quelques jours plus tôt, à l'invitation de l'hebdomadaire français L'Humanité Dimanche, Solidaire a pu participer à une entrevue de deux heures avec le nouveau porte-drapeau de l'autre gauche en France. Extraits d'une rencontre très riche.
David Pestieau et Jonathan Lefèvre
Ce dimanche 18 mars, le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon a rassemblé plus de 100 000 personnes pour une prise symbolique de la Bastille. Du jamais vu en pleine campagne électorale.
Les journées du candidat du Front de Gauche (qui regroupe le Parti de Gauche, le Parti communiste français et d'autres organisations de gauche) sont longues. Arrivé ce 14 mars à 9h30 dans les locaux parisiens de l'Humanité Dimanche, Jean-Luc Mélenchon repartira deux heures plus tard, direction Clermont-Ferrand où il tiendra un meeting le soir même devant 9 000 personnes.
    Si l'image qu'il donne dans les médias est celle d'un grand tribun, capable d'enflammer une foule plus facilement que pour certains d'allumer un barbecue, il avoue, en arrivant, une certaine fatigue physique compréhensible. Mais pas morale. « Physiquement, c'est rude, très rude, mais c'est un très bon moment dans ma vie de militant. Ce qui est extrêmement frappant, et je n'ai pas les mots pour décrire cela, c'est la présence physique de notre force. Nos militants sont partout. On est porté. »
    Le candidat est porté aussi par les sondages, qui le créditent de 11 % d'intentions de vote. Si la prudence est de mise, l'enthousiasme est là. Cela fait plus de 30 ans qu'un candidat à gauche du PS n'avait plus été si haut. Et, après la reprise de la Bastille à Paris ce dimanche qui a rassemblé 100 000 personnes, l'engouement ne semble pas près de s'arrêter. D'autres rassemblements s'annoncent à Toulouse et Marseille. Et des meetings, comme à Lille ce 27 mars. Pour une campagne électorale qui est vue comme le point de départ d'une « révolution citoyenne ».
    Petit tour des thèmes que Jean-Luc Mélenchon a abordés lors de l'interview, en exclusivité belge.
L'inspiration de l'Amérique du Sud
Jean-Luc Mélenchon. « Si je suis élu, la première mesure est l'élection d'une l'Assemblée constituante. Deux objectifs. D'abord, la fin de la Ve République et la fin de la monarchie quinquennale qui est une déformation tragique de la démocratie française. Et puis, surtout, une Assemblée constituante qui sera un grand remuement des esprits pour savoir quelles sont les valeurs qu'on veut porter au poste de commande et, pour nous, l'occasion d'un élargissement considérable de notre base de masse. Là, nous nous inspirons de nos camarades d'Amérique du Sud qui ont partout commencé comme ça.
    Il y a aussi une série de mesures qui doivent être prises, qui sont des mesures de respiration sociale. Comme l'augmentation du Smic (salaire minimum, NdlR) à 1 700 euros par mois. C'est une transformation de la vie des gens. Pour des milliers de gens, ça signifie le passage du rouge permanent à un peu de vert sur leur compte en banque. C'est aussi une mesure féministe, parce 80 % des emplois au Smic sont féminins.
    Ensuite, l'installation du comité de planification écologique, puisque là, il va falloir déployer notre économie pour tourner la page du productivisme et relocaliser les activités utiles.
    Après il y a évidemment le référendum européen. Il faut que les Français se prononcent sur le dernier traité, parce que la signature de notre pays est engagée et malheureusement le vote dans les assemblées a ratifié le MES (Mécanisme européen de stabilité, qui impose l'austérité aux États, NdlR). À part nous, le Front de Gauche, les autres partis ont laissé passer.
    Et puis, il y a le retrait de l'OTAN. Nous allons voir tout le monde et dire "au revoir et merci", et puis immédiatement commencer la nouvelle politique, qui est celle d'une nouvelle alliance altermondialiste. Le modèle économique mondial est en train de bifurquer, les États-Unis sont menacés dans leur position prééminente, il ne leur reste plus qu'un seul avantage comparatif : leurs bases militaires sur les cinq continents. Donc voilà pourquoi une grande puissance, que ce soit les USA ou une autre, est en train de dévaler la pente. Ils deviennent une bête blessée et, donc, dangereuse. La sortie de l'OTAN est l'initiative pour une nouvelle alliance mondiale. Et, évidemment, la revalorisation du rôle de l'ONU.
    Comme les autres candidats ne veulent pas être compris par les gens, nous, nous disons "voilà comment on va faire". C'est le triomphe du concept de la radicalité concrète : non seulement nous devons avoir une position radicale, mais nous sommes capables d'expliquer finement, concrètement, comment ça fonctionne, tandis qu'eux gesticulent. Il ne faut jamais perdre de vue que nous sommes dans une bataille où nous essayons d' entraîner le pays, pas seulement nos amis. »
L'impasse du capitalisme
Jean-Luc Mélenchon. « Hollande parle d'un impôt de 75 % pour les revenus au-delà d'un million d'euros, Sarkozy évoque un impôt minimal sur les sociétés, menace les exilés fiscaux d'être déchus de leur nationalité ? J'analyse tous ces signes d'abord d'une manière positive parce que cela élargit l'espace sur lequel repose notre programme. Le pire, pour nous, aurait été que nos mots, notre vocabulaire, notre ordre de raisonnement soient absolument marginalisés. Et il faut bien dire que nous l'avons été dans les années 1990-2000. Quand Sarkozy a gagné en 2007, on était à un moment d'une espèce de paroxysme culturel où les valeurs de la droite, son vocabulaire, celles du libéralisme dominaient tout. C'était la période où tous les quotidiens créaient une rubrique "Argent" et supprimaient la rubrique "Social". En face, il n'y avait quasiment rien puisque le mouvement socialiste avait, lui aussi, cédé avec armes et bagages et renoncé à sa singularité. Ce qui est arrivé à Sarkozy, c'est que le système s'est cassé en cours de route, c'est la crise des subprimes qui a envoyé tout ça au tapis. Donc, il est là comme quelqu'un qui surnage dans une situation qu'il ne contrôle plus. Le contrôle politique, ce n'est pas seulement gagner des élections, être là et avoir de l'argent. C'est être capable d'incarner une hégémonie culturelle dans la société, et d'avoir à son service un rapport de force qui permet de la prolonger, de l'élargir, de la reproduire, de la renouveler. C'est ça qui est cassé dans le sarkozysme, et qui est cassé en plein cœur, et qu'il ne peut pas reconstruire. Mais, pour autant, que faire d'autre ? Et c'est ça qui est la bonne intuition dans notre campagne : apporter quelque chose, comprendre et répondre à cette grande expectative et comprendre que, face à ça, il fallait de la clarté, de la fermeté.
    Aujourd'hui, le moment politique est d'abord caractérisé par le rejet du libéralisme et le sentiment que le capitalisme est dans une impasse, que c'est un système qui ne marche pas. On voit bien que ça ne va pas, que c'est la catastrophe partout, que ce qui marchait avant ne marche plus. Par rapport au devoir commun de l'humanité sur la crise écologique, on ne fait rien. Les gens sentent ça, et donc, que faut-il faire d'autre ? Eux (les autres candidats, NdlR), ils essaient tous de reprendre pied à l'ancienne, avec des ruses de bastringue, des trucs politiciens, des bons mots. Ils essaient toujours la triangulation, le truc qui a été inventé par Tony Blair : prendre les mots de l'adversaire pour les vider de sens. Sarkozy en est le champion. Mais, maintenant, plus personne ne sait où il en est, ce qu'il défend. Ça s'apparente aussi à une espèce de pressentiment sur le fond. C'est-à-dire que le capitalisme de notre temps, caractérisé par la financiarisation, ses abus inouïs de pouvoir et d'accumulation, est vomi par notre peuple, parce qu'il a une culture révolutionnaire, une culture égalitaire. »
Joindre force politique et mouvement social organisé
Jean-Luc Mélenchon. « Dans nos meetings, on a vu apparaître des banderoles syndicales. C'est un phénomène énorme ! Voilà ce qu'est le FdG, c'est l'outil politique qui, pour la première fois depuis 30 ans, a publiquement affiché la jonction entre une force politique et le mouvement social organisé, la classe ouvrière organisée de notre pays. Et on n'a pas discuté de cela, ça s'est passé spontanément. Chacun restant dans son rôle. Voilà ce qu'incarne le FdG. Et puis son visage, petit à petit, se dessine à mesure que la campagne électorale avance, car c'est d'abord une campagne de mouvement d'éducation populaire. On ne fait pas des meetings pour chanter les louanges du candidat ni pour y faire des bons mots, mais pour construire une force consciente, disciplinée, au sens intellectuel du terme.
    La dernière formation politique qui m'a investi comme candidat était le PCF le 18 juin. Le 20, j'étais chez les Fralib-Thé éléphant (usine menacée de fermeture qui ouvrait ce dimanche le cortège de la prise de la Bastille, NdlR) et mon premier discours était pour dire cette campagne va servir à rendre visibles les invisibles. Et c'est ce que nous avons fait. Nous avons réussi à mettre dans cette campagne les usines, la classe ouvrière, les riches, la sur accumulation. Nous avons réussi à cristalliser politiquement tout cela. »
Faire dérailler le train de la dédiabolisation du Front national
Jean-Luc Mélenchon. « Le Front de Gauche a fait dérailler le train de la "dédiabolisation" du Front National (FN). Ce résultat ne peut être attribué à personne d'autre. Marine Le Pen avait un moment tous les brevets qu'elle désirait : de la laïcité alors qu'elle est anti-musulmane, du féminisme alors qu'elle est contre l'avortement…
    Ce que je constate, c'est que la "belle" mécanique FN s'est détraquée en un mois. Nous assumons le fait de ne rien lâcher au FN et nous n'arrêterons pas.
    C'est délibérément que nous avons frappé sur la question du droit à l'avortement parce que c'est une question qui touche au cœur de la divergence entre eux et nous. Est-ce que tous les êtres humains sont égaux en droit et, si l'homme dispose de sa fécondité, pourquoi pas la femme ? Si l'on répond non à cela, on légitime toutes les discriminations. »
La social-démocratie en Europe, porte d'entrée des banquiers
Jean-Luc Mélenchon. « Si c'est Sarkozy qui est élu, ce qu'on ne souhaite pas, les agences de notation vont lui tomber dessus. Si c'est Hollande, alors, là, ils vont venir comme des mouches. Parce que, pour nous, un social-démocrate ce n'est pas grand-chose, mais pour un banquier c'est déjà trop. La preuve, c'est que c'est de ce côté-là qu'ils trouvent la faille, parce que c'est eux qui cèdent le plus vite. Ils sont entrés par la porte sociale-démocrate en Europe. Ils ont attaqué la Grèce, après ils sont venus sur le Portugal et ils sont passés à l'Espagne. Partout, ça a été pareil : le tenant du titre a capitulé séance tenante et parfois il est parti tout seul, comme Socrates au Portugal, qui n'a même pas essayé de résister. Pour moi, cet évènement est d'une portée historique, comparable au vote des crédits de guerre en 1914 (la plupart des partis sociaux-démocrates européens ont voté les crédits de guerre qui ont signifié le début de la Première Guerre mondiale, NdlR). Parce qu'il y a un assaut qui vient de la finance internationale et la première force qui cède, c'est la première force politique de gauche du continent. Ce n'est pas nous la première force politique, c'est eux. C'est un évènement immense. L'offensive n'aurait pas pu avoir lieu si le gouvernement grec avait résisté. On aurait pu obtenir beaucoup plus vite que la Banque Centrale européenne (BCE) intervienne. Tout ça est démontré par le fait que la BCE a mis aujourd'hui 1 000 milliards d'euros sur la table pour les banques, ce qui représente un peu plus de trois fois le montant total de la dette grecque au début de la crise. Donc, on aurait pu tout payer. La BCE aurait pu racheter l'intégralité de la dette grecque et éteindre immédiatement la spéculation. C'est un évènement terrible qui s'est passé là. Il faut donc poser sur la table des plans qui tiennent la route pour tout le monde. »
La sous-traitance politique du PS
Jean-Luc Mélenchon. « La stratégie d'alliance du PS ? Elle reproduit un système général de sous-traitance des thèmes autour d'une force centrale qui, elle, se charge de la gestion, et n'a strictement rien à faire des préoccupations des gens. C'est comme cela que les Verts sont repeints en partisans du nucléaire et voilà comment Chevènement (républicain de gauche, NdlR), un anti-Maastrichien, est repeint en partisan du MES (Mécanisme européen de stabilité). Voilà le résultat final : un étiolement des forces politiques, un rabougrissement, une déformation de l'espace de la gauche. Maintenant, je ne vais pas nier que l'option social-libérale est là. Elle y est, on ne va pas le contester. Mais il n'y a pas que ça dans la gauche.
    Et c'est à vouloir dominer, étrangler, étouffer, réduire, acheter, qu'on met la gauche dans l'impasse. Voilà ce qu'ils sont en train de faire : essayer de tuer de l'intérieur une dynamique. Vous connaissez, vous, un militant vert aujourd'hui qui est enthousiaste pour sa candidate, en disant "c'est formidable, on va être dans le même gouvernement, nos idées vont avancer" ? Il n'y en a pas un.
    Pour le moment, ils tentent de réduire la montée du Front de Gauche à la performance d'un individu. Vous croyez que je ne l'ai pas vu ? C'est toujours la même histoire. C'est la négation de ce que nous sommes dans l'histoire et dans ce que nous sommes politiquement. Et qui va leur claquer à la figure, et notamment ce 18 mars avec la prise de la Bastille. »
La politique du « moins pire » a tout faux
Jean-Luc Mélenchon. « Vous avez un gouvernement Di Rupo qui ferait moins pire qu'ailleurs ? On peut comprendre que des gens pensent cela. Mais je ne vois pas de différences fondamentales entre la politique d'austérité de droite et des sociaux-libéraux.
   Sur le fait d'être gouverné par un social-démocrate, regardez ce qui s'est passé en Grèce. Neuf plans d'austérité. Avec les résultats que nous connaissons. Pourquoi attendre neuf plans d'austérité ? On sait que l'austérité est une arnaque. C'est un remède qui aggrave le mal. Il faut une force politique de gauche pour s'opposer à cette politique de l'Union européenne. Je dis : épargnez-vous neuf plans d'austérité et votez directement pour nous ! » (Rires)
Se débarrasser du nationalisme
Jean-Luc Mélenchon. « Actuellement, il faut avoir une discussion débarrassée du nationalisme. On ne peut pas avoir une bonne discussion en Europe si on commence par des généralités offensantes du genre "les Allemands", "les Français". Non, il y a des Allemands de droite et des Allemands de gauche, des solutions de droite et des solutions de gauche. L'initiative que nous prendrions, nous, en étant un pouvoir Front de Gauche, c'est que, nous, on vote maintenant, les Allemands en octobre prochain, donc on a un an pour faire en quelque sorte la preuve par l'exemple de la valeur de ce que nous sommes capables de faire, ouvrir la brèche pour qu'elle s'élargisse sur l'Allemagne. Vous savez comme moi, comme l'Europe, comme très largement au-delà de l'Europe, que la question-clé, c'est comment les travailleurs allemands se positionnent. C'était déjà le cas lors de la révolution de 1917, et tout ce que nous avons vécu après a largement dépendu de ce qui ne s'est pas passé en Allemagne. Et là, pareil. »
Quand un système est arrivé à bout de souffle...
Jean-Luc Mélenchon. « Le FdG, c'est la renaissance de la France révolutionnaire. J'y adjoins l'adjectif "citoyen" pour qu'on comprenne bien de quoi il s'agit. Nous ne sommes pas dans une espèce de mythologie de la Révolution qui, tout d'un coup, surgirait d'un complot. Karl Marx disait que la révolution s'apparente davantage à un phénomène de la nature qu'à une organisation. Et il rajoute qu'il n'y a que les policiers pour croire qu'on appuie sur un bouton pour déclencher les révolutions. Nous, nous parlons d'une révolution citoyenne, c'est à dire du moment où la société, enfermée dans un système économique et politique inapte, ne peut plus régler les problèmes quotidiens aussi simples que les trains qui partent à l'heure et qui arrivent à l'heure, des enfants dans des écoles avec des enseignantes et des enseignants en face d'eux. Bref, des problèmes très simples. Toutes les révolutions démarrent et ont lieu pour des raisons qui ne sont pas idéologiques, mais pour des raisons concrètes, matérielles. C'est à dire quand un système est arrivé à bout de souffle. Nous nous positionnons par rapport au caractère inéluctable de la révolution citoyenne. Elle est inéluctable, pas parce qu'il y aurait un sens de l'Histoire ou parce que je ne sais quel génie révolutionnaire travaillerait dans ce sens, mais parce qu'il est intenable que le système actuel se brise d'un seul coup. Son agonie peut être interminable. Et en allant de plus en plus mal au quotidien, cela va dysfonctionner.
    Et c'est là que vient la question du vote. Nous, non pas d'après un horizon électoral seulement, nous avons intérêt à la défaite de Sarkozy. Nous avons besoin d'une victoire contre la droite pour fortifier le mouvement populaire. Le FdG est le point d'appui de la révolution citoyenne, l'outil de la révolution citoyenne. Et aujourd'hui, il est le haut-parleur, le porte-parole, le fortifiant.
    Mais est-ce que c'est possible ? Et, chaque fois que l'idée que c'était possible avançait, comment l'avons-nous fait avancer ? D'abord par le caractère méthodique, concret de ce qu'on racontait. Il n'y avait pas des "yaka", des "à bas le capitalisme", des formules générales. Chaque fois, on disait "on va faire comme ça", des choses concrètes. Et puis, nous avons fait la démonstration qu'il y avait une force capable de porter ça, qui était le premier problème que se posaient les gens qui nous entouraient. Ils étaient d'accord avec ce qu'on disait.
    Il fallait qu'on fasse la preuve, c'est pourquoi j'attache tellement d'importance aux démonstrations de force, de masse. On est dans la rue et ça se voit qu'on est nombreux. Et tout d'un coup, la force prend confiance en elle-même. Ça aussi, c'est très marxiste. Marx explique que dans la lutte, moins que le résultat, c'est le sentiment de la force et de l'union grandissante qui importe. Voilà ce qui est acquis à chaque lutte. »
Planifier le changement écologique et social
Jean-Luc Mélenchon. « Je parle de planification écologique et vous me parlez de l'échec des économies planifiées ? Mais le bilan de ces économies mériterait d'être examiné. La planification n'a pas échoué en tout. Elle a échoué à fournir les biens de consommation courante. Mais elle n'a pas échoué pour faire des satellites, pour faire une station planétaire internationale... Elle a fait des erreurs. Mais y a-t-il un régime qui n'a pas fait d'erreur ? On nous sert toujours le désastre de la mer d'Aral (lac en ex-Union soviétique, NdlR). Mais nous à l'Ouest, non, on n'a pas fait de désastre. Pendant ce temps, on était clean... Ce n'est pas vrai. L'humanité a buté sur des difficultés qu'elle n'était pas capable de prendre en compte à ce moment-là, et puis les vieux régimes nomenklaturisés comme les nôtres, ou comme l'ancienne Union soviétique, sont devenus incapables de penser la nouveauté. Ce que nous avons à faire, c'est ne pas nous effrayer des échecs du passé, mais nous nourrir de leur expérience. Ce n'est pas du tout le même point de vue. Mais il faut une planification démocratique.
    Il ne faut pas avoir peur. Je préfère les erreurs maîtrisées, corrigées, d'une planification écologique consciente et démocratique aux erreurs aveuglées du marché qui, lui, comme disait Jospin, est "une force qui va, mais qui ne sait pas où elle va". Justement, c'est le problème. Elle peut vous pourrir un bassin de vie, vous détruire les nappes phréatiques... Je ne crois pas que la Bretagne, par exemple, soit malade de planification socialiste, mais plutôt malade de planification libérale. Parce qu'eux ont planifié, les libéraux planifient tous les jours. Ils prévoient à quelle date vous n'aurez plus de retraite, à combien de pesticides vous avez droit au m2, ils prévoient où vous avez le droit d'étendre le lisier, le caca des cochons, jusqu'à 300 mètres des maisons. Et, quand vous protestez, on dit que c'est une horrible limitation de la liberté. Donc, les amis, ne perdez pas de vue que les libéraux planifient l'invasion du marché et ont choisi comme régulateur la norme du marché. Et nous on planifie le changement écologique et social et on met comme régulateur les citoyens. Ce n'est pas génial, les êtres humains sont ultra-faillibles, ils l'ont mille fois démontré. Mais le marché est encore plus faillible. Et le problème, c'est qu'on ne peut plus l'arrêter. »
Jean-Luc Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon (60 ans) est le candidat du Front de Gauche (FdG), qui regroupe le Parti de Gauche (PG), le Parti communiste français (PCF) et d'autres groupes de gauche. Actif lors de Mai 68, il débute sa carrière au PS en 1977. Défenseur d'une ligne de gauche au sein du parti, lors de la campagne pour le vote au référendum portant sur la Constitution européenne, il défend ardemment le « non » de gauche, notamment avec le PCF, alors que la direction du PS, dirigé par François Hollande, est pour le « oui ». C'est le « non » qui l'emporte.
En 2008, Jean-Luc Mélechon décide de quitter les sociaux-démocrates pour créer un nouveau parti : le Parti de Gauche.
Pour les élections européennes de 2009, une alliance électorale avec le PCF est conclue, sous le nom de Front de Gauche. Le Front est composé de déçus de la social-démocratie, d'altermondialistes, de communistes, d'écologistes…
L'élection présidentielle française
Le peuple français votera le 22 avril prochain pour le premier tour de l'élection présidentielle. Un second tour, qui oppose les deux candidats qui ont obtenu le plus de voix, aura lieu le 6 mai.
Une des élections les plus marquantes est celle de 2002. Le soir du désormais célèbre 21 avril, les Français découvrent les visages des deux candidats qualifiés pour le second tour : Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen, candidat du Front national. Pour la première fois, un candidat de l'extrême droite est présent au second tour.
Depuis, le spectre du 21 avril est devenu un argument pour les deux gros partis (PS et UMP) afin d'appeler au « vote utile ». Ce « vote utile » signifie de voter soit pour le plus gros parti de droite, l'UMP, soit pour le plus gros parti de gauche, le PS.
Cette année, pour la première fois depuis 1981, un candidat à gauche du PS peut emporter plus de 10 % des suffrages.
Les forces en présence
Les cinq candidats ayant plus de 10 % dans les sondages :
François Hollande (entre 25 et 30 %) Le candidat du PS a été désigné par son parti après avoir emporté une primaire interne. Socialiste libéral, il a une bonne chance de l'emporter au second tour.
Nicolas Sarkozy (entre 25 et 30 %) Le président sortant (UMP) est plombé par son bilan mais il essaie de se faire réélire, notamment, comme en 2007, en allant chasser sur les terres du FN.
Marine Le Pen (entre 15 et 20 %) La fille du fondateur du Front National (FN) espère refaire le coup de son père en 2002. Elle essaie de donner une image plus « respectable » de son parti mais le FN reste toujours le même parti xénophobe.
François Bayrou (entre 10 et 15 %) Le centriste du Mouvement démocrate (Modem) est arrivé troisième en 2007. Il peut capter une partie des voix des déçus du « Sarkozisme ».
Jean-Luc Mélenchon (entre 10 et 15 %) Cette année, pour la première fois depuis 1981, un candidat à la gauche du PS peut emporter plus de 10 % des suffrages. Le candidat du FdG est dans une spirale positive et ne cesse de grimper dans les sondages.
« Un retour d'une force de gauche »
Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB, a participé à la marche du Front de Gauche qui a réuni plus de 100 000 personnes à Paris ce dimanche 18 mars. Voici ses impressions.
« C'était vraiment un bon moment à vivre, on a vraiment senti un retour d'une force de gauche qui ose remettre en cause les dogmes du capitalisme. Il y avait beaucoup de jeunes, de délégués syndicaux, on a senti qu'il y avait une vague de fond en réaction, non seulement au sarkozysme, mais aussi à la gauche de gouvernement à la sauce "Hollande".
L'ambiance était très combattive, beaucoup de gens avaient fait leur propre panneau, avec des revendications locales, par département ou entreprise, et claires.
Ce qui sautait aussi aux yeux, c'est le nombre de drapeaux du PCF, ce qui montre que la candidature de Mélenchon n'est pas qu'une mode médiatique, mais qu'il y a une structure profonde derrière.
Il y avait plusieurs organisations et collectifs dans le bloc "belge", dont la FGTB et la CNE par exemple, mais il y avait aussi beaucoup d'individus. Et les Français qui habitent en Belgique étaient en nombre également. C'était important d'être là car c'est un événement important pour le rapport de force en Europe. »
Ecoutez l'interview audio de Raoul Hedebouw en direct de la marche sur Le Soir en ligne : http://soundcloud.com/lesoir/